C’est autour d’un projet d’acquisition foncière que la création de l’association Les Tisserands a vu le jour en octobre 2017. Les terres convoitées (30 hectares) situées à la Vialle n’ont finalement pas pu être acquises mais la dynamique était lancée et a pu se déployer grâce à l’acquisition d’une forêt et la location d’autres terres agricoles, avec l’arrivée concomitante de nouveaux habitants. En 2018 et 2019, le groupe des Tisserands a en effet facilité l’arrivée et l’installation de deux couples, dont un avec des enfants. Ces personnes cherchaient à établir leur activité agricole sans pouvoir accéder à du foncier. Depuis lors, l’activité de l’association s’est déployée dans différentes directions.
Ces productions (carottes puis patates), pour l’instant vivrières, permettent de créer des habitudes de travail en commun et relient ceux qui connaissent le travail de la terre et ceux qui ne le connaissent pas. Ainsi depuis trois ans, chaque famille annonce à l’avance ses besoins afin de définir la surface à cultiver. Les chantiers sont ensuite effectués en commun (bâchage de la prairie, épandage du fumier, plantation, récolte de doryphores et des pommes de terre). La présence d’une dizaine de personnes et de chevaux de trait permet de répartir la charge de travail et de cultiver des surfaces d’une moyenne de 1 000 m2 dans la joie et le partage de bons moments. En 2019, 900 kg de pommes de terres ont été récoltées sur 700 m2 cultivés pour les familles participantes à ce groupe. Cette quantité dépassant leurs besoins, d’autres familles ont pu venir glaner les surplus. En 2020, 1 200 m2 sont cultivés, pour une récolte de... la réponse en septembre !
Après une campagne pour réunir des fonds, une forêt a été acquise en novembre 2019 et depuis, un premier chantier collectif réunissant chevaux et humains pour le débardage a permis de redonner vie à une ancienne pêcherie, de ré-ouvrir un ancien chemin communal, de produire collectivement du bois de chauffage et de renforcer les liens grâce à la force du « faire ensemble ».
De nombreux projets sont en cours de construction en lien avec cette forêt, avec l’envie de mener une sylviculture douce et de viser la pérennité du couvert forestier. Cela démarre par un inventaire de l’existant pour évaluer les parcelles qui seront ouvertes à de futurs chantiers forestiers dans un objectif sylvicole et d’autres qui resteront à l’état sauvage, pour permettre la régénération, une libre-évolution de certaines parties, le maintien de la biodiversité et l’utilisation de la forêt à des fins non productives (balades, méditations, sieste musicale, botanique, école de la forêt...).
Au delà des besoins locaux en bois de chauffage que cette forêt permettra de combler en partie (sous forme individuelle et collective), cet espace permet d’interroger et de réfléchir à un lien respectueux entre l’homme et la forêt. Les actions menées sont donc aussi conservatrices pour privilégier la diversité des essences, la relance ou la création des différentes strates forestières, la création de vergers-forêt sur des parties agricoles en cours de reconquête par la forêt. Une charte forestière tisserande définit l’esprit et les règles très précises du « prendre soin » pour une « gestion sylvicole à long terme bénéfique pour le paysage, le milieu naturel, l’eau, les sols et les humains » et « de transmettre des savoir-faire liés à l’arbre, la forêt dans toutes ses composantes, son évolution pour pérenniser la diversité des usages et l’autonomie locale de ses habitants ». L’utilisation d’abatteuses est proscrite tout comme la vente de bois pour des usages industriels et non locaux.
Depuis janvier 2020, l’association Les Tisserands loue une vingtaine d’hectares de terres agricoles. Peu à peu, elles vont permettre de développer l’autonomie alimentaire du territoire, en pratiquant une agriculture qui privilégie la diversité et la mise en relation. L’ambition est de développer une agriculture pour les vivants permettant de nourrir les humains et les non-humains (vie des sols, animaux, végétaux) en utilisant des techniques de permaculture, de traction animale, de sylviculture douce, et plus généralement toute pratique respectueuse du vivant n’ayant pas forcément d’appellation. La variété est au cœur des pratiques imaginées afin de développer un havre de biodiversité nourricier sur le territoire moreilloux.
Les cultures de céréales, de légumes de plein champ, de plantes oléagineuses et protéagineuses seront effectuées en traction animale et côtoieront de nombreuses haies de plantes aromatiques et médicinales, mellifères et surtout d’arbres qui auront une place essentielle sur ces terres dans la génération d’un écosystème varié. Les prairies destinées à la pâture et au foin des animaux accueilleront aussi chênes, châtaigniers et autres grands arbres. Un des objectifs est de rendre ces terres productives en utilisant peu voire pas du tout de pétrole. Il nous faut donc d’une part retrouver et développer les savoirs de la traction animale, et d’autre part accueillir de nouvelles énergies dans le collectif pour entretenir ces terres. Plusieurs espaces sont actuellement laissés vacants pour que de nouvelles personnes puissent ajouter leur créativité et leurs envies dans ce projet.
Le confinement a eu un effet mobilisateur en amenant consommateurs et producteurs à se réunir autour des questions d’approvisionnement et d’écoulement de la production. Influencé par l’expérience menée à la Renouée (Gentioux), grâce à l’effort de nombreux bénévoles, en pleine crise du covid, « Les Locaux Motivés » ont vu le jour avec comme outil, la plateforme cagette.net. Ainsi les samedis matins, dans la cour de l’ancienne école, a lieu la distribution de nombreuses denrées produites à Saint-Moreil et dans les environs proches : pain, fromages, produits laitiers, légumes, bière, fruits, tisanes... Ces productions en agriculture biologique ainsi réunies ont eu un effet révélateur de la richesse de ce territoire communal quasi autonome pour ses besoins alimentaires. Réalité qui prend tout son sens en ces temps incertains...